Interview

Dr Lustig : "le fructose du sucre raffiné et des aliments transformés engraisse le foie"

Dr Lustig : "le fructose du sucre raffiné et des aliments transformés engraisse le foie"

Entretien avec le Dr Lustig, auteur de Sucre l'amère vérité, où il explique pourquoi les quantités massives de sucre et d'aliments transformés que nous consommons chaque jour nous rendent non seulement plus gros, mais aussi plus malade.

Qu’est-ce qui a inspiré votre message d’alarme sur les dangers du sucre et des aliments transformés ?

En 2003, Juan, 6 ans, est entré dans ma clinique en Californie. Il pesait environ 50 kg et il était plus large que grand. J'ai demandé à sa mère ce qu'il mangeait et buvait et, entre autres choses, elle a dit qu'il consommait quotidiennement de nombreux verres de jus d'orange – ce qu'elle croyait sain. Mais quand vous buvez verre de jus d'orange après verre de jus d’orange, vous obtenez dans le corps une très grande quantité de sucre, sans fibres pour aider à limiter son absorption. Devoir expliquer à la mère de Juan que manger des fruits comme les oranges est bon mais boire des jus d’orange en grandes quantités est mauvais m'a fait réaliser qu’on avait besoin de quelqu’un pour dissiper les mythes alimentaires d'une manière simple que tout le monde comprend.

Environ 80% de tous les aliments emballés aux États-Unis (et dans la plupart des pays occidentaux) contiennent des sucres ajoutés. Le sucre est partout, est-il systématiquement mauvais ?

Le problème est le « sucre raffiné », c'est-à-dire les sirops de sucre (de maïs, invertis…) tout comme le sucre de table ordinaire, composé de glucose et de fructose, dénué de toute valeur nutritive. Les aliments transformés sont pleins de sucre raffiné et ont des effets néfastes : le fructose engraisse le foie, ce qui peut empêcher ce dernier d’utiliser correctement l'insuline (l’hormone chargée de réguler la quantité de sucre dans le sang). Cela peut mener à une résistance à l'insuline et au syndrome métabolique, augmentant ainsi le risque de diabète de type 2, de maladie cardiovasculaire et d'accident vasculaire cérébral.

Lire aussi : L’ultra-transformation des aliments est la première cause de mortalité dans les grandes villes

Quand avons-nous commencé à devenir dépendants aux aliments sucrés ?

Nous sommes biologiquement programmés pour aimer les bonbons – nos langues et nos cerveaux savent qu'aucune nourriture sur la planète ne peut être à la fois douce et toxique. C'était d’ailleurs un test pour nos ancêtres chasseurs-cueilleurs : si un aliment est sucré, il ne vous tue pas. C'est ironique parce que c'est exactement ce que le sucre nous fait maintenant.

Dans votre livre, vous dites que la croyance répandue selon laquelle « une calorie est une calorie » est l'un des facteurs déterminants de la crise de l'obésité actuelle. Pourquoi ?

Une calorie brûlée est une calorie brûlée, mais les calories ingérées n'ont pas toutes le même impact sur le corps. Différents aliments peuvent être utiles ou nuisibles selon leur composition et la quantité de fibres qu'ils contiennent. Considérez les graisses, par exemple. Toutes les graisses libèrent neuf calories d'énergie par gramme lorsqu'elles sont brûlées, mais les acides gras oméga-3 peuvent aider à réduire votre risque de maladie cardiaque, tandis que les gras trans peuvent mener à une maladie cardiaque et à une stéatose hépatique. Donc une calorie d'oméga-3 n'est pas égale à une calorie de gras trans. Il en va de même pour les protéines et les glucides.

Mais le plus gros problème n’est-il pas que nous mangeons plus de calories qu'il y a 30 ans ?

Pas exactement. Si vous regardez notre apport en graisses en pourcentage des calories totales, il est en fait diminué en raison de la croissance de la pandémie d'obésité, en grande partie parce qu'une grande partie de notre alimentation est de nos jours « pauvre en graisses ». Notre consommation de protéines est restée assez stable au fil du temps. Mais notre consommation de fructose a augmenté en raison de tous les aliments transformés que nous consommons. Lorsque nous mangeons beaucoup de sucre, la graisse du foie s'accumule et notre corps libère de l'insuline pour compenser. Les niveaux d'insuline plus élevés favorisent le stockage des graisses, ce qui peut entraîner l'obésité et une foule d'autres maladies potentiellement mortelles.

Pourquoi notre corps ne contrôle-t-il pas mieux l'appétit ?

Des études indiquent que lorsque nous produisons de l'insuline en excès à cause de nos alimentations riches en sucre, l'insuline empêche la leptine, une hormone qui aide à contrôler l'appétit, de dire à notre cerveau que nous avons consommé suffisamment d'énergie. Donc dans notre tête, nous pensons que nous avons faim bien après que nous soyons arrivés à satiété. Et nous ne voulons alors pas n'importe quelle nourriture – nous préférons les choses savoureuses qui sont riches en graisses et en sucre. C'est un cercle vicieux. La résistance à la leptine est ce qui maintient les gens obèses. La recherche suggère qu'il ne s'agit pas d'une carence en leptine, parce que les échantillons de sang révèlent que la plupart des personnes obèses en ont beaucoup. Le problème est que leur leptine ne fonctionne pas correctement - si c'était le cas, elles ne seraient pas obèses.

Le stress joue-t-il un rôle dans la prise alimentaire ?

Oui. Dieu sait si je mange lorsque je suis stressé ! Les chercheurs ne savent pas exactement pourquoi le cerveau devient fou pour une nourriture dense et riche en énergie lorsque nous sommes stressés, mais c'est le cas. Ainsi, plus vous êtes stressé, plus vous avez faim et plus vous mangez d'aliments riches en glucides, ce qui fait augmenter encore plus votre taux d'insuline. En même temps, les hormones libérées en réponse au stress dirigent le corps pour accumuler de la graisse viscérale, que vous finissez par stocker au pire endroit possible : le ventre.

Alors, quelle est la solution ?

La solution évidente consiste à consommer plus de fibres et moins de sucre, mais l'exercice physique est également important. Ce n'est pas seulement le meilleur antistress, c'est aussi quelque chose que chaque personne peut faire pour améliorer sa santé en général, même si la perte de poids ne vient pas immédiatement. Pour chaque molécule de sucre que vous absorbez, vous pouvez soit la brûler, ce qui n'exige pas que votre corps produise plus d'insuline, soit la stocker, auquel cas vous avez besoin d'insuline. La brûler est la meilleure option, et c'est exactement ce que permet l’activité physique.

Que devrions-nous manger ?

De la vraie nourriture ! C'est tout. Si votre aliment est sorti du sol, ou d'un animal qui a mangé ce qui est sorti du sol, vous pouvez le consommer. Mais si un humain a réalisé une transformation entre les deux, si quelque chose a été ajouté (généralement du sucre), ou quelque chose a été enlevé, (probablement des fibres et des vitamines et minéraux), prudence. La clé de la minceur et de la santé pour la plupart des gens est de réduire l'insuline. Pour ce faire, vous devez remettre des fibres dans votre assiette et réduire les glucides et les sucres raffinés. Si vous achetez de la nourriture portant une étiquette nutritionnelle, elle a subi des transformations. Et si n'importe quelle forme de sucre est l'un des trois premiers ingrédients de la liste, considérez ce produit comme un dessert. Quand j'étais enfant, nous avions droit à un dessert par semaine. Maintenant nous en avons un par repas, et il est presque toujours transformé. C'est le problème.

Commentaire

Pour donner votre avis, créez un compte ou connectez-vous.