Interview

J. Lagacé : manger autrement pour vaincre ses douleurs chroniques

J. Lagacé : manger autrement pour vaincre ses douleurs chroniques

La scientifique Jacqueline Lagacé démontre dans son livre que le régime Seignalet permet de réduire au silence une centaine de maladies. Entretien avec celle qui a vaincu ses douleurs chroniques juste grâce à des changements alimentaires.

Tout d'abord, qu'est-ce qu'une maladie inflammatoire chronique ?

Quand un microbe s'introduit dans l'organisme on voit apparaître des rougeurs. de l'enflure, de la douleur et parfois même de la fièvre. Tout ça disparaît généralement après un certain temps parce que les leucocytes (nos petits soldats intérieurs) ont réuni à combattre l'infection. Mais lorsqu'on est confrontés à une maladie inflammatoire chronique – l'arthrite, la fibromyalgie, le diabète de type 2, l'asthme, la maladie de Crohn, etc. – c'est que notre système immunitaire n'arrive pas à éliminer l'agent irritant. Faute de s'en débarrasser, il continue à lutter contre lui pendant des années. Au départ, il y a donc une inflammation silencieuse,,, qui se transforme petit à petit en inflammation chronique. Dans certains cas, comme celui de l'arthrose, ça peut prendre de 10 à 30 ans avant qu'on ait conscience de la douleur.

Et vous, de quoi êtes-vous atteinte ?

En plus des problèmes d'arthrose du dos que je traîne depuis l'âge de 30 ans. j'ai commencé à souffrir d'arthrose des genoux, d'arthrite des mains à 62 ans. Au début, j'ai essayé de contrôler mes douleurs en prenant des comprimés paracétamol et d'aspirine,. mais elles se sont amplifiées au fil des mois. Au bout de deux ans, soit en 2006, mes doigts ne pouvaient presque plus plier et mon pouce gauche était carrément devenu immobile. Quant aux élancements. ils étaient tellement insupportables qu'ils m'empêchaient de dormir. J'ai évidemment eu recours à la médecine traditionnelle, et on m'a prescrit un médicament de la même famille que le Vioxx, un anti-inflammatoire non stéroïdien qui aurait été à l'origine de dizaines de millier,s de crises cardiaques...

Comment avez-vous découvert le régime du Dr Seignalet ?

Même si je m'alimentais en respectant assez bien les recommandations du Guide alimentaire canadien, j'avais l'intuition que l'origine de rues problèmes articulaires était essentiellement liée au contenu de mon assiette. Après avoir compris que la médecine traditionnelle ne pouvait pas m'aider, j'ai donc commencé à naviguer sur le Net. C'est alors que j'ai découvert la méthode du Dr Jean Seignalet, un médecin et chercheur français spécialisé en immunologie, en nutrithérapie et en rhumatologie, Cet expert est décédé en 2003, mais son site est constamment mis à jour par les membres de sa famille (seignalet.fr). J'ai commencé à suivre son régime « hypotoxique » (qui génère peu de toxines dans l'organisme) le 10 juin 2007 et, en 10 jours à peine, mes élancements avaient complètement disparu. Trois mois plus tard, je pouvais déjà bouger un peu mon pouce gauche et, après 16 mois de régime, les articulations de mes doigts avaient repris progressivement leur fonctionnement normal. Cette découverte était trop fantastique pour ne pas être partagée ! J'ai donc décidé d'écrire un livre sur le sujet, car je me suis aperçue qu'à peu près personne ne connaissait ce régime au Québec. Grâce à mon doctorat en virologie et à mes études postdoctorales en immunologie et en bactériologie, j'avais la formation requise pour vérifier dans la documentation scientifique récente le bien-fondé des théories du Dr Seignalet. Je dois cependant avouer que le fait de démontrer que les produits laitiers et la plupart des céréales sont impliqués dans le développement de nombreuses maladies inflammatoires chroniques demande du courage, parce que ça va à l'encontre des diktats alimentaires de la diète occidentale. Si je n'étais pas à la retraite, je suis loin d'être certaine que j'aurais eu le temps d'écrire ce livre !

Quelles sont les bases de ce fameux régime ?

Elles reposent principalement nos enzymes digestives et sur leur capacité de digérer correctement les aliments. Les premiers hominidés ont fait leur apparition sur terre il y a quelques six millions d'années ; depuis. nos ancêtres se sont surtout nourris des produits de leur chasse et de leur pêche ainsi que de la cueillette de végétaux non cultivés et, lorsque c'était possible, de miel. Nos enzymes digestives ont donc évolué en fonction de ce type d'aliments. La nourriture qui provient de l'agriculture et de l'élevage – une « innovation » qui date seulement de 10 000 ans – ne représente ainsi qu'environ 1% de l'histoire de l'être humain. Et comme nos gènes évoluent très lentement et qu'il a été démontré que ceux des Homo sapiens apparus il y a 200 000 ans sont identiques aux nôtres. nos enzymes seraient mal adaptées à l'alimentation moderne. Conséquence? Chez certaines personnes, l'intestin grêle devient « hyperméable »(c'est-à-dire qu'il permet le passage dans le sang et les tissus de molécules trop grosses, donc nocives, d'origine alimentaire et bactérienne); ce qui, en cas de fragilité génétique, entraîne le développement de maladies inflammatoires chroniques.

Que devrait-on alors bannir de notre alimentation ?

Pour commencer il faut éliminer tous les produits laitiers, de quelque origine animale que ce soit, Le Dr Seignalet assure en effet que nos enzymes sont incapables de bien les digérer. Selon lui. le lait de vache est inadapté aux humains, car les quantités astronomiques de protéines et de calcium qu'il contient servent à faire prendre aux veaux100 kg en un an... Notre organisme n'est pas équipé pour l'assimiler. On doit aussi bannir un grand nombre de produits céréaliers (à l'exception du riz, du sarrasin, du sésame, du quinoa et du tapioca), qui affectent directement l'intestin grêle. Comme on est incapables de les digérer correctement, elles y causent un encombrement de grosses molécules, et, peu à peu, une partie des «bonnes» bactéries sont remplacées par des bactéries pathogènes. Ainsi soumise à un phénomène inflammatoire, la très mince paroi de l'intestin grêle finit par se détériorer, laissant ces molécules la traverser et se déposer dans différents tissus. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si les cas d'arthrose augmentent : il y a quelques décennies à peine, en Amérique du Nord, on ne consommait. pas du pain de blé entier et beaucoup moins de produits laitiers qu'aujourd'hui, Moi, ce qui me fâche c'est d'entendre dire que l'usure de nos cartilages est la cause première de l'arthrose, que cette maladie n'est pas de nature inflammatoire et que c'est normal, avec l'âge, d'en souffrir. Le contraire a été démontré par des travaux de recherche récents et sérieux. Il semble désormais évident que c'est l'inflammation de la capsule articulaire (capsule synoviale) – causée, entre autres, par l'accumulation de glycotoxines – qui entraîne peu à peu une dégradation de la qualité du cartilage, qui devient alors sujet à l'usure. En raison d'une alimentation mal adaptée, l'encombrement provoqué dans les intestins occasionne un encrassage des tissus susceptible d'engendrer des réactions inflammatoires de l'enveloppe de l'articulation.

Comment le régime "hypotoxique" agit-il sur les douleurs chroniques ?

En cessant de manger des aliments qui altèrent l'intestin grêle, on donne la chance à ses parois de se reconstituer et de te devenir imperméables aux grosses molécules. Notre système immunitaire pourra ensuite éliminer les toxines accumulées dans nos tissus. Cela dit, il faut souligner que le régime «hypotoxique» ne guérit pas la maladie, il en permet plutôt la rémission tant qu'il est respecté.

Est-il difficile à suivre ?

Non, sauf qu'il exige des sacrifices importants (adieu yogourt, fromage, crème glacée, blé et bon nombre de céréales). Mais quand on cesse de souffrir. qu'on retrouve la santé et la capacité de se mouvoir normalement, ces privations ne comptent plus. Et même si on doit adopter ce régime pour le reste de notre vie, on petit s'offrir quelques écarts à l'occasion. Depuis que je n'ai plus d'inflammation, je me permets 25 g de fromage au lait cru deux fois par semaine...

Doit-on être suivi par un médecin ?

Cette question me fait toujours sourire! Pourquoi devrait-on être suivie par un médecin pour éliminer de notre alimentation des produits laitiers ou des céréales qui nuisent à notre santé ?

Propos recueillis par Karine Vilder pour le magazine Vita (février-mars 2012).

 

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