Vrob, quel est ton parcours ?
Vrob : J'ai toujours voulu faire du Cinéma. Mes parents m'ont dit : « Passe ton bac d'abord. »
Alors, après un bac S au lycée Daudet de Nîmes, j'ai fait une année d'étude de Cinéma. Mais pour plusieurs raisons, ça ne m'a pas plu. Par curiosité, j'ai tenté le concours de Pharmacie. J'ai trouvé cette première année très intéressante, j'ai donc continué tout en me disant que je ferais mes projets artistiques à côté. Ce qui m'a permis de réaliser des vidéos documentaires pour la fac, des BD pour le journal de l'université. Avec un ami de ma promo on a créé une association artistique avec laquelle on a monté plein de projets sympas : BD, courts métrages, web-série, ateliers de peinture...
As-tu finalement travaillé comme pharmacien ?
Pour ma thèse, j'ai réalisé un documentaire à destination des patients hémophiles. Après mon diplôme, j'ai travaillé en tant que pharmacien d'officine pendant quelques années. Un métier qui m'intéressait énormément, que j'ai exercé avec passion, et grâce auquel j'ai appris beaucoup de choses. J'y ai fait de chouettes rencontres. Mais je savais que je ne ferais pas ça toute ma vie.
Donc exit la pharmacie, et hello le cinéma ?
Je voulais toujours faire du cinéma. Sauf que des projets dans ce domaine mettent du temps à voir le jour et on dépend de beaucoup de gens. J'ai eu cependant une chouette expérience avec mon court métrage « Soda : Jugement Dernier ». L'équipe a été incroyable. Mais je me suis rendu compte que si je voulais avancer vite, tout seul, ce n'était pas le bon medium. Alors comme je n'ai jamais arrêté de dessiner, je me suis lancé dans l'illustration en pratiquant tous les jours, en suivant des petites formations, en testant des techniques. Il a fallu vaincre le syndrome de l'imposteur. Mais n'étant pas fort à l'oral ou à l'écrit, le dessin est vraiment la forme d'expression qui me correspond.
D’où vient l’intérêt pour la vulgarisation en BD ?
J'ai toujours été très friand de vulgarisation, surtout scientifique. Quand j'étais petit j'adorais l'émission C'est pas sorcier. Plus tard j'ai découvert le travail de Marion Montaigne et sa série de BD Tu mourras moins bête. Elle a un sacré talent pour rendre des sujets intéressants tout en me faisant rire. Et sur Youtube, il y a la super chaîne de vulgarisation historique de Manon Bril, C'est une autre histoire, qui utilise aussi très bien l'humour pour nous apprendre des choses. Je trouve qu'une info passe mieux en dessin, et encore mieux quand c'est rigolo. Alors un jour, je me suis lancé dans la vulgarisation scientifique avec Pharmacologix, coécrit avec le Pr Nicolas Picard.
Quelle est la genèse de La Malédiction du cordon bleu ?
Quand Thierry Souccar m'a contacté pour un projet de vulgarisation en BD, on a réfléchi ensemble au thème. En tant que pharmacien de formation, la nutrition a pour moi une place très importante dans la santé. Le choix du sujet des aliments ultra-transformés ou AUT, a été une évidence. D'autant que je savais que j'allais apprendre encore plein de choses. Et j'adore apprendre.
Pourquoi ce thème des aliments ultra-transformés ?
J'ai lu le livre du Dr Anthony Fardet Halte aux aliments ultra-transformés que j'ai trouvé très bien fait, déjà accessible au grand public, tout en étant rigoureusement documenté. Compléter cet ouvrage avec une BD qui synthétise et simplifie encore plus me semblait une bonne idée pour toucher un plus grand nombre de lecteurs et lectrices.
A qui s'adresse La Malédiction du cordon bleu ?
Mon style de dessin peut sembler « enfantin » mais il ne faut pas s'y fier ! La Malédiction du cordon bleu s'adresse aux ados et adultes qui veulent découvrir l'envers du décor que nous peint l’industrie agro-alimentaire. C'est accessible à partir de 12-13 ans je dirais.
La BD docu est un genre particulier. Est-ce compliqué de vulgariser, mettre en images, raconter ?
C'est un travail particulier, en effet. Ceci dit, quand j'exerçais en pharmacie, mon rôle était de vulgariser des notions abstraites pour les patients. Et aussi étant moi-même consommateur de ce type de contenu, c'est pour moi bien moins compliqué que de mettre en scène de la fiction.
Comment as-tu travaillé ?
J'ai d'abord entamé une phase de lecture, en notant les idées principales, ce qui me semblait intéressant d'aborder dans la BD. La phase d'écriture du scénario a été la plus longue : trouver le bonne angle, essayer d'être le plus pertinent possible, tout en restant léger et drôle. C' était presque un travail H24. Même quand je n'étais plus devant ma table, je réfléchissais à des idées de mise en scène. Un déclic au moment de s'endormir, c'est frustrant pour le sommeil car il faut se relever, sinon l'idée ne reste pas pour le lendemain ! J'ai ensuite fractionné le travail de crayonné et encrage en chapitres pour commencer à faire lire autour de moi et éventuellement corriger ce qui ne fonctionnait pas. Et puis j'ai fait les couleurs d'une traite. C'était la phase la plus reposante, presque méditative.
Il y a dans l'album un clin d'oeil appuyé à Jean-Pierre Coffe. Pourquoi ?
J'ai grandi en voyant ce monsieur très charismatique à la télé et la radio, avec sa marionnette des Guignols, et pour qui la malbouffe, c'était « de la m******rde ! ». Je ne pouvais pas ne pas lui rendre hommage !
Qu'as-tu découvert pendant ton enquête ?
J'ai découvert le « cracking » du blé. Ou comment l'agro-industrie rentabilise au maximum un grain de blé. Pour ensuite utiliser les produits issus de ce fractionnement dans divers aliments, surtout les AUT. Et encore, si ce n'était qu'une question d'argent. Mais le fait que ça participe à l'épidémie de diabète, de surpoids et d'obésité me révolte. Dans la BD je parle du blé mais ça existe avec d'autres matières premières. Et puis l'étude du Dr Kevin Hall aux Etats-Unis est très marquante : à quantité de calories égale, on prend plus de poids avec des repas riches en AUT qu'avec des repas « faits maison ». Il est vraiment urgent que l'agro-industrie se réveille et change la donne. Elle a les moyens de produire de la nourriture de qualité. Mais pour le moment elle préfère la rentabilité... Je trouve ça tellement triste.
Est-ce que cela change ton regard sur l'alimentation, la production alimentaire ?
Avec ma femme on n'a pas attendu que je me penche sur ce sujet pour qu'on achète nos fruits et légumes chez des petits producteurs. Et comme je n'aime pas cuisiner, on a trouvé au fil du temps des recettes faciles et rapides, tout en étant variées et avec des produits de saison. On a (re)découvert des légumes pas forcément attirants, mais qui ont du goût et avec lesquels on peut faire tellement de plats sympas !
Comment utiliser La malédiction du cordon bleu ?
En garnissant sa bibliothèque avec. Et celle des autres ! Je sais que certains l'ont dévorée. Personnellement j'ai testé mais je ne suis pas fan du goût du papier. Plus sérieusement, c'est une BD documentaire, avec laquelle j'ai aussi cherché à divertir les lecteurs et lectrices. Ça me paraît une bonne porte d'entrée pour s'informer sur le sujet des AUT. Je pense qu'elle a également sa place dans les CDI des collèges/lycées.
Et puis si vous êtes copain avec les actionnaires de Big Food, offrez-leur !
Commander La Malédiction du cordon bleu, de Vrob