Avis d'expert

Doit-on maigrir pour réduire son risque d'infarctus ou d'AVC?

Doit-on maigrir pour réduire son risque d'infarctus ou d'AVC?

Dans Comment échapper à l'infarctus et l'AVC, le Dr Michel de Lorgeril explique que l'infarctus et l'AVC sont des maladies du mode de vie. Or le surpoids est un révélateur d'un mode de vie délétère. Faut-il pour autant maigrir afin de réduire son risque de maladie cardiovasculaire ? Ce n'est pas aussi simple que ça, nous explique le Dr de Lorgeril.

Le paradoxe de l'obésité

Première observation : dans tous les pays, toutes les classes d’âge, et les deux sexes, le poids moyen augmente régulièrement depuis plusieurs décennies. Mais notre hauteur aussi ! Est-ce grave, docteur ?
On notera aussi qu’au moment où, collectivement, nous grossissons, la mortalité cardiovasculaire diminue ; ce qui peut s’expliquer par une multitude de facteurs indépendants du poids. Tout ça pour dire que la question des effets de l’obésité et du surpoids sur la santé est loin d’être clarifiée.
Bien sûr, les grandes obésités sont pathologiques ; mais certaines maigreurs extrêmes aussi.
Le paramètre le plus fréquemment utilisé pour mesurer le surpoids est l’Indice de Masse Corporelle ou IMC. L’IMC est obtenu en divisant notre poids en kilogrammes par le carré de notre hauteur en mètres (IMC= P/T²). A partir de 25, les experts disent qu’il y a surpoids et au-delà de 30, obésité.
Ces chiffres et frontières ne reposent sur aucune rationalité scientifique, comme les limites et frontières qui concernent la glycémie et le cholestérol… En fait, la relation entre IMC et mortalité suit une courbe en U, c’est-à-dire que pour des surpoids ou des sous-poids progressifs, la mortalité augmente, quelle que soit la cause des décès. C’est pour les IMC moyens (approximativement compris entre 20 et 30) que l’espérance de vie est optimale. Mais cela n’est vrai que de façon générale et pour des populations en apparente bonne santé. Dès qu’on analyse des populations particulières, notamment des insuffisants cardiaques, nous sommes confrontés au paradoxe de l’obésité. De quoi s’agit-il ?
Dans ces populations particulières, l’augmentation de l’IMC n’est pas associée à une augmentation de la mortalité. Au contraire, pour des IMC élevés (sans être la traduction d’obésités extrêmes), on observe une meilleure espérance de vie. L’explication à ce paradoxe a été découverte récemment : les patients en surpoids qui ont une nutrition protectrice et qui sont actifs physiquement n’ont pas plus de risque de mourir que les personnes minces, qu’elles soient sédentaires ou actives. C’est donc le mode de vie qu’il faudrait corriger, et il ne faut pas s’acharner à normaliser le chiffre de notre poids ou de notre IMC.

Le lien entre surpoids et risque d'infarctus

Les données épidémiologiques indiquent assez clairement qu’à partir d’un IMC de l’ordre de 30, le risque d’infarctus et d’AVC augmente en même temps que l’IMC, mais cette relation ne s’observe que chez les personnes sédentaires. Comme beaucoup de personnes obèses sont aussi sédentaires, une question se pose : est-ce le surpoids du sédentaire qui est responsable de l’augmentation du risque ou la sédentarité elle-même ? Ou la nutrition toxique du sédentaire ? La question est cruciale car la stratégie pour se protéger de l’infarctus et de l’AVC est totalement différente.
Si c’est le surpoids qui est toxique, il faut maigrir à tout prix, y compris avec des médicaments.
Si c’est la nutrition et la sédentarité qui sont toxiques, il faut changer le mode de vie (nutrition saine + exercice physique) sans se préoccuper du poids – on oublie la balance – car l’adoption d’un mode de vie protecteur devrait non seulement diminuer le risque d’infarctus et d’AVC mais aussi accessoirement entraîner une perte de poids.
Pour répondre définitivement à ces questions, il faudrait des essais cliniques. Malheureusement ces essais ne sont pas conduits parce qu’ils sont compliqués à mettre en place, couteux, et avec des résultats aléatoires pour le laboratoire pharmaceutique qui financerait l’essai. Les réponses attendues de nos essais chez les obèses pourraient ne pas
être favorables au business (mise sur le marché de nouveaux médicaments),
et donc rien ne se passe…
En fait, personne ne pose réellement ces questions. Actuellement l’idée que l’infarctus et l’AVC sont des maladies du mode de vie est mal acceptée. On préfère déclarer la guerre au surpoids et commercialiser des médicaments pour faire maigrir, à n’importe quel prix… Même les marchands de balance sont satisfaits…

Mes conseils

Tous les régimes et les médicaments qui prétendent faire maigrir étant nuisibles et parfois dangereux, il faut les éviter. Pour diminuer le risque d’infarctus et d’AVC, il est préférable de concentrer ses efforts sur le mode de vie: exercice physique et habitudes alimentaires.
Il y a bien sûr quelques circonstances où il faut faire absolument maigrir (y compris avec des techniques chirurgicales) car certaines obésités extrêmes ou morbides peuvent générer de réelles souffrances et des handicaps insurmontables. Il faut calmer ces symptômes ! Mais cela ne doit pas être entrepris pour diminuer le risque d’infarctus ou d’AVC ; car rien ne dit que cela ait un effet bénéfique sur ce risque. Un effet nocif ne peut être exclu.
Ma philosophie sera celle de certains scientifiques américains et qui peut se résumer par cette belle formule : “it is better to be fit and fat rather than unfit and unfat!” Traduction : il est préférable d’être en surpoids et en forme plutôt que maigre et en méforme !
Autrement dit, il vaut mieux se réhabituer à l’exercice physique et adopter une diète méditerranéenne plutôt que d’adopter un régime artificiel et triste, inefficace à long terme, et dangereux. Dans le premier cas, notre expérience nous l’a montré, on perd du poids sans s’en rendre compte, et on réduit le risque d’infarctus et d’AVC.

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