Pourquoi avez-vous décidé d’écrire ce livre ?
Fabrice Kuhn : Nous sommes tous deux passionnés de cuisine et de sport. Nous avons donc décidé d’écrire ce livre afin de partager les informations et les conseils que nous aurions aimé trouver de façon claire en tant que sportifs. À notre connaissance, il n’y a pas d’ouvrages équivalents.
Hugues Daniel : Nous aimons bien manger et nous avons écrit ce livre aussi pour montrer que nutrition de la performance et plaisir ne doivent pas être opposés.
À qui s’adresse ce livre exactement ? Aux coureurs chevronnés ? Ceux qui s’entraînent au moins 3 fois par semaine ?
HD : A tous les sportifs d’endurance ! Du sportif amateur et occasionnel jusqu’au sportif de haut niveau. Le livre a été conçu pour pouvoir s’adapter à tous les niveaux de pratique et à tous les volumes d’entraînement.
FK : De plus, même si le livre est orienté principalement vers les sports d’endurance (course à pied, cyclisme, ski de fond, natation…), la plupart des informations peuvent être utilisées dans d’autres sports comme le football, le rugby, le tennis, le judo…
Que peut-on attendre d’une bonne nutrition en termes de performance ?
FK : La progression sportive dépend de nombreux facteurs certains directement liés à l’entraînement, d’autres liés aux caractéristiques individuelles (notamment génétiques) et enfin d’autres liées à l’alimentation.
HD : Une alimentation adaptée permet une progression sportive et ce, de plusieurs façons : elle permet des entraînements plus efficaces, une meilleure récupération, elle diminue le risque de blessure et permet de se construire un organisme plus adapté à la pratique sportive comme le serait une formule 1 après de meilleurs réglages.
Est-ce qu’avoir une nutrition « adaptée », ça implique de choisir des aliments particuliers et de tout peser ?
HD : Non, le modèle alimentaire que nous proposons n’est pas contraignant à ce point, au contraire, nous prônons la diversité et refusons les menus ne proposant que des pâtes.
FK : Bien sûr au début il faut peser afin de se rendre compte des quantités, mais très vite, l’habitude permet de se passer de la balance.
La nutrition est une discipline assez récente et les connaissances ont beaucoup évolué en quelques années, quels sont les changements majeurs par rapport à ce qui était conseillé aux sportifs d’endurance il y a 10 ans en arrière ?
FK : La principale notion nouvelle est celle de l’index glycémique. La notion de sucre complexe et de sucre simple n’a pas le même sens qu’auparavant. La notion d’index glycémique reflète mieux la vitesse d’action d’un sucre. Tous les plans alimentaires devraient tenir compte de cette notion et l’utiliser pour les différentes phases de la pratique sportive.
HD : À cela on peut aussi ajouter l’importance prise par les oméga-3 pour un organisme plus fonctionnel, celle des antioxydants dans la protection de la santé et pour l’efficacité musculaire. De même qu’on commence à prendre en compte l’équilibre acido-basique du sportif et à utiliser les indices PRAL. Une autre notion importante est la chronologie des apports par rapport à la pratique sportive.
Est-ce qu’il y a des aliments que le sportif d’endurance doit éviter ?
HD : Non, il n’y a pas d’éviction absolue mais certains aliments ne doivent être consommés que de façon très occasionnelle, c’est le cas des plats tout prêts. Certains aliments comme les charcuteries peuvent être consommés de temps en temps pour le plaisir.
FK : Le plus important est d’avoir régulièrement une alimentation équilibrée et de qualité ce qui ne veut pas dire restrictive ! On peut se permettre quelques écarts sans conséquences.
Si vous deviez donner 3 conseils pour optimiser l’entraînement, que conseilleriez-vous ?
FK : 1. Boire de l’eau toute la journée, 2. boire une boisson glucidique lors des entraînements et 3. bien récupérer après l’entraînement grâce à une ration de récupération adaptée.
HD : On pourrait aussi ajouter de veiller à la qualité du repas précédent l’entraînement et au temps le séparant de l’entraînement car ces deux paramètres jouent un rôle important. Le repas devra être pris au moins trois heures avant l’entraînement et être facile à digérer. Une solution alternative consiste à manger un encas deux heures avant l’entraînement. Nous détaillons dans notre livre plusieurs stratégies.
Une ration de récupération adaptée ça veut dire quoi concrètement?
FK : La ration de récupération est très importante car elle permet l’enchaînement des séances sans épuisement. Une ration de récupération doit contenir de l’eau pour s’hydrater, des minéraux pour compenser les pertes, des glucides pour reconstituer les réserves de glycogène et des protéines pour réparer les dégâts musculaires consécutifs à l’entraînement et pour protéger l’organisme des infections virales qui sont plus fréquentes chez le sportif d’endurance. Nous proposons plusieurs rations de récupération optimisées dans notre livre.
La veille d’une compétition, la pasta-party est-elle incontournable ?
HD : Non, même si elle devenue une institution depuis plusieurs années. D’ailleurs, dans notre livre nous détaillons les meilleures stratégies alimentaires lors de la semaine précédant une compétition et ces stratégies évitent la pasta-party.
FK : Il vaut mieux recharger ses stocks en glycogène plus tôt que la veille de la compétition. D’ailleurs certains organisateurs de compétition l’ont bien compris et proposent des pasta-party l’avant-veille de la compétition.
Sur le marché on trouve pléthore de barres, gels et boissons énergétiques ? Tous les produits se valent-ils ?
HD : Non, les produits ne se valent pas tous. Il faut bien lire les étiquettes et parfois faire des calculs car malheureusement les informations ne sont pas toujours utilisables facilement. Par exemple, pour les boissons glucidiques de l’effort, les fabricants ne donnent pas tous les teneurs en sodium ; bien souvent ils ne donnent pas les teneurs en nutriments par litre de boisson reconstituée mais par quantité de poudre. C’est pourquoi nous avons établi un tableau comparatif des principales boissons de l’effort présentes sur le marché.
FK : De plus, la tolérance de ces produits n’est pas les même pour chacun d’entre nous. Il faut donc bien tester les produits et choisir ceux qui nous conviennent le mieux en termes de saveur et de tolérance digestive. En ce qui concerne la différence entre barres, gels, et boissons, les études ont montré que l’efficacité de l’apport en glucides est le même. Mais notre préférence va aux boissons de l’effort (si elles sont bien dosées) car elles apportent de l’eau, des glucides et du sodium, les trois éléments fondamentaux pour l’effort.
En compétition, que conseillez-vous de prendre lors des ravitaillements ?
FK : Avant tout, chacun doit avoir testé sa stratégie au préalable. Grâce à internet, il est facile de savoir ce qui sera proposé au niveau des ravitaillements lors d’une compétition (du moins pour les plus importantes). Chacun pourra ainsi faire ses choix à l’avance.
HD : Le plus important est de boire, l’idéal étant de boire une boisson de l’effort (si elle est bien dosée) car elle apporte du sodium pour éviter la déshydratation et des glucides pour apporter du glucose aux cellules.
Dans le livre vous évoquez les problèmes de santé les plus fréquents du sportif d’endurance en particulier la tendinite qui concerne aussi bien le cycliste que le coureur ou le skieur de fond… Généralement les médecins recommandent le repos et prescrivent des anti-inflammatoires, y a-t-il une alternative ?
FK : Bien sûr, les techniques médicales et parfois le repos (relatif et adapté) sont fondamentaux mais l’alimentation peux tenir un rôle important notamment grâce à une bonne hydratation, un bon équilibre acido-basique de la ration alimentaire et un bon équilibre oméga-6/oméga-3. Les menus que nous proposons dans le livre tiennent compte de tout cela.
Vous n’abordez pas la question des compléments alimentaires. Pour quelle raison ?
HD : C’est volontaire. Avant de penser à prendre des compléments alimentaires – dont l’efficacité sur la performance est souvent incertaine et qui sont parfois mal formulés –, nous jugeons plus utile et plus sain d’optimiser son alimentation quotidienne. Et en plus c’est moins cher !
FK : De plus, une mauvaise utilisation des compléments peut être néfaste sur la santé et sur la performance, par exemple en cas de surdosage, en cas d’utilisation de plusieurs compléments contenant les mêmes nutriments ou en cas de prise de micronutriments non nécessaires. On peut citer le cas du fer ou de certaines vitamines qui pourtant peuvent sembler inoffensives mais qui peuvent devenir toxiques à forte dose. Les compléments au sens large du terme c'est-à-dire ergogènes comme la caféine ou la créatine mais aussi les vitamines et les minéraux devraient donc être utilisés de façon individualisée, idéalement sous contrôle médical.
Ce travail d’investigation vous a-t-il amené à modifier certaines choses dans votre propre alimentation ?
FK : Oui. Pour la rédaction de ce livre, nous avons effectué de nombreuses recherches parmi les publications scientifiques récentes et au fur et à mesure que nous progressions dans la lecture de ces études, j’ai adapté mon alimentation. Cela m’a permis de mieux organiser mes repas mais aussi de mieux me préparer la dernière semaine avant les compétitions. Je ne pars plus m’entraîner même sur de courtes durées sans amener à boire et je fais particulièrement attention à ma récupération.
HD : Moi aussi j’ai modifié mon alimentation pour les mêmes raisons que Fabrice mais aussi parce que nous avons dû peser les aliments pour élaborer les menus du livre. Cela m’a permis de réajuster mes portions.