Parlez du porno avec vos enfants et adolescents

Anne de Labouret et Christophe Butstraen, les auteurs de Parlez du porno avec vos enfants avant qu'Internet ne le fasse prolongent leur réflexion et leurs conseils sur ce blog.

Par Anne de Labouret
Le porno et la loi

La législation n’est pas appliquée… Pourquoi ?

La législation n’est pas appliquée… Pourquoi ?

La loi française est on ne peut plus claire : 

La répression de la diffusion de contenus pornographiques aux mineurs sur Internet se fonde sur l’article 227-24 du Code Pénal, qui précise que : « le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support un message à caractère violent, pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine, soit de faire commerce d’un tel message, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende lorsque ce message est susceptible d’être vu ou perçu par un mineur. »

En outre, les plates-formes de streaming qui mettent gratuitement à disposition des internautes des contenus pornographiques bafouent ouvertement une autre loi, celle relative aux droits d’auteur (1), puisque tous les contenus qu’on y trouve sont des contenus piratés.

Plusieurs hypothèses peuvent être proposées pour tenter d’expliquer leur « non application ». Envisageons-les une à une.

 

Première hypothèse : « On ne peut agir que quand on a pris connaissance d’un problème et en ce qui concerne la pornographie, les autorités ne sont pas informées de la situation. »

C’est faux.

Des alertes sont régulièrement lancées par différentes associations. La presse les a largement relayées.

Des directions d’écoles et des associations de parents tirent la sonnette d’alarme et s’émeuvent de comportements inadaptés chez les plus jeunes, ceux-ci étant directement inspirés par clichés que véhicule la pornographie en ligne.

Enfin, des représentants politiques (et non des moindres) ont annoncé prendre le problème au sérieux et leur ambition d’agir en conséquence dans des délais relativement courts.

On ne peut donc pas retenir cette hypothèse comme plausible.

 

Deuxième hypothèse : « Techniquement, c’est impossible ».

La Chine a réussi à bloquer Google,

Lors du printemps arabe certains pays ont bloqué momentanément l’accès aux réseaux sociaux,

La France a mis en place HADOPI,

Les fournisseurs d’accès internet peuvent, sur ordre de la justice bloquer les sites djihadistes ou pédopornographiques en quelques heures,

Les sites de jeux en ligne (casinos, poker, PMU, Française des jeux…) ont été contraints de mettre en place des « verrous » efficaces qui, grâce à un numéro de carte de crédit par exemple, obligent les internautes à justifier de leur âge avant toute connexion…

Si les deux premiers exemples relèvent de la censure pure et dure – et il n’est pas question de s’orienter vers cette option extrême –, les autres témoignent de l’existence de réelles possibilités techniques efficaces pour limiter l’accès des plus jeunes à ces contenus potentiellement dommageables.

Le Royaume-Uni va d’ailleurs tester un système de vérification de l’âge. A partir du 15 juillet prochain, les majeurs devront scanner leur carte d'identité pour accéder aux sites pornographiques.

La technique n’est donc pas non plus un argument plausible.

 

Troisième hypothèse : « Les lois sont difficilement applicables. »

Pour que la loi s’applique, il est impératif de déterminer les responsabilités et c’est dans ce domaine que les choses se compliquent.

- Les « porntubes », plates-formes de streaming qui diffusent du contenu pornographique, sont le plus souvent hébergés sur des serveurs situés en dehors l’Union Européenne, ce qui rend les lois difficilement applicables.

- La responsabilité du fournisseur d’accès ne peut être engagée que si celui-ci n’agit pas suffisamment rapidement quand un contenu problématique lui est signalé. Et force est de constater que quand les contenus sont signalés, les fournisseurs d’accès agissent.

- La responsabilité des auteurs peut être engagée… sauf si les contenus diffusés ont été piratés. Et c’est majoritairement le cas.

- Enfin, la responsabilité de l’éditeur est soumise plus ou moins au même régime que celle des fournisseurs d’accès.

Chacun se renvoie donc la balle, et c’est ainsi que s’explique, en partie, l’inertie du système.

 

Quatrième hypothèse : « Un réel manque de volonté. »

« Quand on veut, on peut ; et quand on peut on doit. »

Même si les fournisseurs d’accès à Internet ont l’obligation de fournir aux familles des filtres et autres logiciels de contrôle parental, ils freinent tous des quatre fers lorsqu’il s’agit de mettre en place des dispositifs plus contraignants.

Et on les comprend.

En 2012 déjà on estimait à 30 % la part du porno dans le trafic Internet (2). Il n’est donc pas irraisonnable d’en déduire que 30 % du chiffre d’affaire des fournisseurs d’accès à Internet proviennent de l’industrie pornographique. Et quelle société peut, aujourd’hui, se passer de 30 % de son chiffre d’affaire ?

 

Dans ce contexte, et face à cet immobilisme quasi généralisé, nous n’avons plus le temps d’attendre.

A nous, parents, éducateurs, enseignants et intervenants sociaux de prendre la juste mesure des choses et d’ouvrir le dialogue avec nos enfants et nos adolescents pour les préparer au mieux à la gestion de ces images qui ne leur sont pas destinées mais qui s’immiscent de plus en plus tôt et de plus en plus souvent dans leur quotidien.

Parlez du porno à vos enfants avant qu’Internet ne le fasse !

 

1.   https://fr.wikipedia.org/wiki/Droit_d%27auteur_en_France

2.   https://www.extremetech.com/computing/123929-just-how-big-are-porn-sites

 

 

 

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à propos de l'auteur

Anne de Labouret est pharmacienne de formation et journaliste santé. Elle est également spécialiste en rééducation de l’écriture auprès des enfants et des adolescents.
Elle a co-écrit Parlez du porno avec vos enfants avant qu'Internet ne le fasse avec Christophe Butstraen. 

Sous le nom d'Anne Crestani, elle est l'auteure de plusieurs livres sur la vie quotidienne des Français dans les années 1950 et 1960.

 

 

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