Une maladie complexe

Les trois types de maladie d'Alzheimer

Les trois types de maladie d'Alzheimer

Après 30 ans de recherches scientifiques sur les maladies neurodégénératives, le Dr Dale Bredesen, l'auteur de La fin d'Alzheimer, affirme la maladie d’Alzheimer n’est pas une maladie unique, mais se compose en réalité de trois syndromes distincts. Les voici.

Alzheimer de type 1 : inflammatoire

Cet Alzheimer de type 1 commence généralement par une diminution de la capacité à stocker de nouvelles informations, conjointement à un maintien des souvenirs anciens et de la capacité de parler, calculer, épeler et écrire. Chez les personnes porteuses de deux copies d’ApoE4 (le gène qui prédispose à la maladie), les symptômes apparaissent souvent à la fin de la quarantaine ou au cours de la cinquantaine. Chez les porteurs d’une seule copie d’ApoE4, ils apparaissent généralement vers la fin de la cinquantaine ou entre 60 et 70 ans. Chez les personnes qui ne portent aucune copie d’ApoE4, les symptômes apparaissent généralement entre 60 et 80 ans.
Le volume de l’hippocampe — qui transforme nos expériences en souvenirs à long terme — diminue, mais ce n’est pas le cas de la plupart des autres zones cérébrales, du moins au début du processus. Les régions temporales et pariétales du cerveau, qui sont responsables de nombreuses fonctions complexes comme la parole, le calcul, la reconnaissance ou l’écriture, consomment moins de glucose, ce qui indique une
réduction de leur activité.
 
Cette forme d’Alzheimer s’accompagne de plusieurs marqueurs biochimiques révélateurs, que l’on peut mesurer par des analyses en laboratoire :
  • une augmentation de la protéine C-réactive, produite par le foie dans le cadre d’une réponse inflammatoire à certaines menaces telles que des infections ;
  • une diminution du rapport albumine/globulines résultant d’un inflammation (l’albumine est une protéine du sang essentielle qui agit comme collecteur de déchets en éliminant les molécules indésirables telles que la bêta-amyloïde et les substances toxiques, et la globuline est un terme fourre-tout englobant une soixantaine de protéines sanguines, parmi lesquelles les anticorps) ;
  • une augmentation de l’interleukine-6, également impliquée dans l’inflammation ;
  • une augmentation du facteur de nécrose tumorale, une autre protéine dont le taux augmente en réponse à une inflammation ;
  • des anomalies métaboliques et hormonales associées telles que la résistance à l'insuline.

C’est la maladie d’Alzheimer de type inflammatoire qui répond le plus vite au protocole ReCODE mis au point par l'équipe du Dr Bredesen pour inverser les symptômes de la maladie.

Alzheimer de type 2 : atrophique

Ce type aussi se rencontre plus fréquemment chez les personnes porteuses d’une ou de deux copies d’ApoE4, mais les symptômes apparaissent environ une décennie plus tard que dans le type inflammatoire. Comme ce dernier, la variante atrophique d’Alzheimer se caractérise par une perte de la faculté à former de nouveaux souvenirs, parallèlement à une conservation de la capacité de parler, d’écrire et de calculer.
 
Il n’y a aucune manifestation d’inflammation (les marqueurs inflammatoires peuvent même être inférieurs à la normale), mais le système global de soutien des synapses du cerveau est altéré :
  • les taux d’hormones — notamment hormones thyroïdiennes et surrénaliennes, oestrogènes, progestérone, testostérone et prégnénolone — sont généralement insuffisants ;
  • le taux de vitamine D est souvent bas ;
  • une résistance à l’insuline peut apparaître, ou les taux d’insuline sont trop bas ;
  • l’homocystéine peut être élevée (ce qui est parfois aussi le cas pour le type 1).
Le type 2 répond généralement plus lentement au traitement que le type 1.
 
Il arrive que les types 1 et 2 d’Alzheimer se produisent conjointement. Dans ce cas, les personnes atteintes présentent l’inflammation caractéristique du type 1, associée au manque de support synaptique caractéristique du type 2. Une des combinaisons des types 1 et 2 est même si fréquente qu’elle mérite d’être considérée comme un type à part : il s’agit du type glycotoxique (sucré), ou « type 1,5 » :
  • Le taux de glucose est chroniquement élevé, ce qui entraîne une altération de diverses protéines (glycation), associée à une inflammation, comme dans le type 1.
  • La grande quantité d’insuline sécrétée en réponse au taux de glucose élevé entraîne une insulinorésistance : l’insuline ne fonctionne plus aussi bien en tant que molécule neurotrophique (capable de stimuler la croissance et la survie des neurones) ; cette perte de support trophique est caractéristique du type 2.
  • Les types 1, 2 et leur combinaison résultent du programme de « réduction des effectifs » décrit plus haut, qui génère un déséquilibre entre la production et la destruction de synapses. Le type 3 relève d’un fonctionnement très différent, comme nous allons le voir maintenant.

Alzheimer de type 3 : toxique

Il se rencontre chez les personnes porteuses de l’allèle le plus répandu, ApoE3, plutôt que de l’allèle Apo4. Alzheimer n’est généralement pas récurrent dans leur famille, et si un de leurs parents a déjà développé la maladie, c’est habituellement après 80 ans. Le type toxique frappe à un âge relativement précoce, les symptômes apparaissant généralement entre la fin de la quarantaine et le début de la soixantaine, souvent suite à un stress important, et se caractérisant tout d’abord par des difficultés cognitives ayant trait aux nombres, à la parole ou à l’organisation.
Si les types 1 et 2 correspondent de façon imagée à la réduction stratégique des effectifs d’une entreprise (le cerveau détruisant des synapses plus vite qu’il n’en crée), ce troisième type évoque une ville que l’on bombarde : rien n’y est en sécurité. Le patient perd non seulement des souvenirs récents, mais aussi des anciens (et par souvenir, entendre à la fois la mémoire épisodique, la remémoration de faits et d’événements singuliers, et la mémoire procédurale qui porte sur la capacité à accomplir des actions plus ou moins complexes, comme par exemple jouer au bridge ou parler). Les personnes atteintes de ce sous-type de la maladie d’Alzheimer ont souvent des difficultés avec les chiffres (elles n’arrivent plus à faire les calculs simples du quotidien), ou avec les mots, l’orthographe ou la lecture. À cela s’ajoutent fréquemment des troubles psychiatriques tels que la dépression et/ou le déficit d’attention.
 
Voici ses biomarqueurs diagnostiques :
  • Il affecte de nombreuses régions du cerveau (et pas seulement, ni même principalement l’hippocampe) et on découvre à l’IRM l’atrophie de zones situées dans le cerveau tout entier.
  • Il implique souvent une neuro-inflammation ainsi qu’une perméabilité vasculaire, comme on peut le constater grâce à une séquence d’IRM spécifique appelée FLAIR, qui laisse apparaître sur les images de multiples petites taches blanches anormales.
  • Souvent, ces patients ont un taux de zinc sanguin trop bas et un taux de cuivre élevé, et par conséquent un rapport cuivre/zinc élevé. Normalement, ce rapport devrait être d’environ 1, avec pour chacun environ 100 μg/dl. Mais un grand nombre de patients atteint du sous-type 3 ont un taux de zinc sérique avoisinant les 50 pour un taux de cuivre très élevé tournant autour de 170, ce qui donne un rapport bien supérieur à 1.
  • Ces patients se voient souvent diagnostiquer tout d’abord une autre maladie qu’Alzheimer, par exemple une démence frontotemporale ou une dépression, mais les résultats de PET scan ou d’analyses de liquide céphalo-rachidien montrent que c’est bien d’une forme d’Alzheimer qu’ils souffrent.
  • On est également en présence d’anomalies hormonales dues à un dysfonctionnement du système de réponse au stress, un circuit constitué de l’hypothalamus, de l’hypophyse et des glandes surrénales (axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien ou HHS). Dans des résultats de tests de laboratoire, ces anomalies peuvent se présenter entre autres sous forme d’un taux de cortisol bas, de RT3 (reverse T3) élevé, ainsi que de taux d’hormone thyroïdienne T3 libre, de prégnénolone, d’oestradiol ou de testostérone bas.
  • Enfin, citons également une forte présence dans le sang de substances chimiques toxiques — de mercure notamment — ou de mycotoxines (toxines produites par des moisissures). Mais étant donné que le mercure va droit vers des tissus comme les os et le cerveau, la mesure de sa concentration dans le sang ne suffit pas toujours à indiquer sa présence. C’est pourquoi l’évaluation doit faire appel à un agent chélateur, qui va mobiliser le mercure et l’éliminer des tissus : si le niveau de mercure dans l’urine de la personne s’avère anormalement élevé au cours des six heures qui suivent, cela indique une forte présence de mercure dans les tissus.
La découverte des trois sous-types de la maladie d’Alzheimer a des implications cruciales en termes de thérapeutique pratique. Pour venir réellement en aide à la fois aux patients déjà aux prises avec la maladie d’Alzheimer, aux patients pré-Alzheimer et aux personnes ayant un risque élevé de développer la maladie, il est indispensable de déterminer quels sont, pour chacun d’entre eux, les facteurs contribuant au déclin cognitif, pour pouvoir dans un deuxième temps les traiter de manière ciblée. C'est ce qu'a fait le Dr Bredesen avec le protocole ReCODE qu'il détaille dans son livre La fin d'Alzheimer.

 

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