Ecologie

« Le Zéro Déchet, c'est faire le choix d'une autre société »

« Le Zéro Déchet, c'est faire le choix d'une autre société »

Réduire ses déchets pour la planète, pour sa santé, pour le porte-monnaie, OK mais comment s’y prendre ? En marchant dans les pas de Jérémie Pichon et Bénédicte Moret les auteurs de Famille (presque) Zéro Déchet, Ze Guide. Rencontre.

Tendre vers le zéro déchet, c’est, schématiquement, réduire ses déchets ménagers. Pouvez-vous nous donner une idée de la quantité de déchets émise par personne en France et la vôtre aujourd’hui ?

En France, chaque année, chaque habitant produit 390 kg d’ordures ménagères, 590 kg avec les déchets et objets déposés en déchetterie, et 13,8 t si on ajoute les déchets industriels français. En comparaison, nous produisons 25 kg de déchets domestiques annuels pour notre famille de 4, auxquels il faut ajouter 10 kg liés à l’entretien de nos voitures.

Réduire ses déchets ménagers ça paraît un peu dérisoire en face des déchets industriels ? Vous précisez bien dans votre livre que ce n'est que la partie émergée de l'iceberg.

La plupart des gens des gens ne connaissent pas la notion de déchet caché. Produire une innocente brosse à dent demande ainsi 1,5 kg de déchets, souvent délocalisés, un ordinateur 1,5 t. Les 390 kg de déchets ménagers que chaque Français produit chaque année représentent peanuts à côté des déchets cachés (50 t par an pour un Européen). Pourtant lorsqu'on est dans une dynamique Zéro Déchet comme la nôtre, il ne s'agit pas que de s'attaquer au volume de la poubelle. En consommant autrement, on agit aussi sur la partie immergée de l'iceberg des déchets. Par exemple, en mangeant uniquement de la tomate de notre producteur local, on réduit considérablement la part de déchets cachés dédiés à l'engrais, au conditionnement et au transport par rapport à une tomate Lidl produite en Andalousie. En changeant son mode de consommation, vers plus de local, du vrac, du bio, de saison, on diminue considérablement les déchets cachés. Acheter ses vêtements d'occasion, de même que les jouets des enfants, faire attention aux transports va également réduire beaucoup les déchets cachés.

Quand vous dites que vous réduisez le volume de votre poubelle, cela concerne aussi le recyclage. Selon vous ce dernier est plus qu'imparfait.

Encore aujourd'hui la plupart des gens ne trient pas. Le recyclage concerne donc peu de déchets : environ 20% seulement. Sans compter que certains matériaux comme le plastique se recyclent mal. Seuls 7% des plastiques sont recyclables, la plupart des emballages plastiques des magasins, les jouets de vos enfants ne peuvent pas se recycler. Mais beaucoup de personnes continuent de penser que le blister plastique qui emballe leurs rouleaux de PQ est recyclable alors que pas du tout.
Les déchets recyclables de la famille (presque) zéro déchet c'est 30L par mois, soit deux bacs, composés de verre essentiellement et d'un peu de tétrapack/carton.

Que répondez-vous aux personnes qui se disent que Zéro déchet c’est bien mais qu’au niveau de la collectivité ça ne représente pas grand-chose, qu’il faut s’emparer de cette question au niveau politique également ?

Pour nous, la politique c’est la vie et la gestion de la cité. Le Zéro Déchet pour nous c’est comme un vote, c’est une démarche politique. Quand je choisis de manger une tomate locale, je fais un choix de société, dans le sens où je vais soutenir l’économie locale. Les politiciens font de l’écologie politique, les industriels une écologie de l’offre et en tant que citoyen mon mode de consommation permet à de nouvelles filières, plus écologiques, plus durables, de se créer et d’exister. En faisant une autre demande, je permets à une nouvelle offre de voir le jour. Le Zéro Déchet revient à faire une transition écologique individuelle, au niveau local. En soutenant des initiatives et des filières locales, nous participons à une écologie de la demande et à recréer une dynamique économique et écologique vertueuse. Une dynamique qu’il devient urgent de recréer et d’entretenir.

Qu’en est-il de vos déchets numériques ?

Nous utilisons des smartphones achetés en occasion. Il existe aussi maintenant des Fairphone, des smarphones commercialisés par une entreprise hollandaise qui sont équitables, réparables, en partie recyclables. Côté ordinateur il n’y a pas encore de solutions par contre. Nous achetons des Mac car ils ont une durée de vis plus longue que celle des PC, on réduit ainsi l’impact sur le cycle de vie. Mon dernier mac a duré 6 ans et j’ai pu le revendre d’occasion. Les data centers utilisent beaucoup d’énergie pour fonctionner : 10% de la consommation d’énergie mondiale à ce jour, et cela continue d’augmenter ! Or il existe des hébergeurs qui s’alimentent en énergie renouvelable et préservent notre intimité en en faisant pas le commerce des données stockées dans les data centers. De bonnes alternatives pour diminuer le coût énergétique.

Avez-vous fait des émules dans votre entourage ?

Parmi nos amis, tout le monde veut se mettre au Zéro Déchet. Il existe un mal-être tellement fort dans notre société, les gens se rendent compte que cela ne rend pas heureux de consommer et en plus leur pouvoir d’achat a dégringolé, sans compter la prise de conscience que l’environnement est devenu toxique pour nos enfants. Nous recevons aussi beaucoup d’encouragements et de retours via les réseaux sociaux. Ces réseaux n’existaient pas il y a 15 ans, quand on a commencé à changer de manière de consommer et les grands de ce monde n’avaient pas prévu la force de ce savoir qui circule. C’est enthousiasmant.


Illustrations : ©Bloutouf (Bénédicte Moret)

Commentaire

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Par Stephane88 | le mardi 23 février 2016
Intéressant !

Excellent article
Stéphane