Sport, santé et performance, le blog du Dr Fabrice Kuhn

  Les secrets d'un médecin qui pratique le triathlon ironman, le marathon et l'ultratrail et qui a écrit Paléofit, pour booster vos performances

Par Fabrice Kuhn

Deux semaines d'entraînement digestif pour le confort en course

Deux semaines d'entraînement digestif pour le confort en course

N’entraînez pas seulement vos muscles et cœur. Pensez donc aussi à votre système digestif. Il vous le rendra.

Les troubles digestifs en course vous préoccupent. Je le sais, beaucoup m'en parlent, beaucoup me demandent conseils.

Voici une étude récente qui s'y est intéressé. La question est de savoir si deux semaines d'entraînement digestif peuvent améliorer la capacité à digérer les glucides et favoriser leur tolérance digestive en course ? En outre, cela pourrait-il améliorer les performances ?

Troubles digestifs, vous me poursuivez !

Vous avez déjà expérimenté, à votre désavantage, des troubles digestifs en course. Vous avez déjà eu la nausée et parfois vomi, eu des douleurs abdominales, ou même de la diarrhée…

Difficile de se tromper tellement sont nombreux les sportifs d'endurance ayant eu des troubles digestifs en course : 45% des sportifs auraient déjà eu au moins une fois un trouble digestif à l'effort et 11% un trouble digestif sévère sur des courses allant du 10 km au marathon. Si on allonge les efforts, la fréquence flambe et peut dépasser les 60% sur un ultra-trail. Les causes sont multiples : chocs de la course à pied, alternance perfusion/reperfusion du système vasculaire abdominal, chaleur, mal digestion des glucides, boissons mal dosées, gels glucidiques hypertoniques, pasta-parties trop volumineuses, régimes mal équilibrés…

L'une des causes majeures de troubles digestifs en course est l'ingestion de glucides et surtout à fortes doses ou dans des préparations hypertoniques. Or, ces glucides sont, pour la plupart d'entre nous, indispensables pour maintenir l'effort sur la durée. Il s'agit alors de trouver le meilleur compromis. Mais ce compromis est totalement individuel. Chacun doit tester et apprendre.

Le problème de ces glucides se manifeste quand les quantités ingérées en course dépassent les quantités assimilables (qui, rappelons-le, sont diminuées à l'effort). Les glucides en excès, non assimilés gagnent l'intestin, y stagnent et fermentent provoquant des troubles digestifs.

Entraînez votre système digestif

Plusieurs études ont déjà suggéré une « entrainabilité » du système digestif (1).

Une équipe australienne a recruté 18 sportifs d'endurance et coureurs d'ultratrail pour tester leur entrainabilité digestive (2).

Les sportifs ont subi un premier test au cours duquel ils couraient à 60 % de VO2max durant deux heures sur un tapis tout en consommant 30 g de glucides (mélange glucose/fructose) toutes les 20 min (ce qui représente de grosses quantités de glucides tout en restant dans la fourchette recommandée pour les épreuves longues (voir Nutrition de l'endurance)). Puis, ils devaient courir le plus vite possible durant une heure avec eau à volonté.

Il leur était demandé régulièrement durant et après le test de quantifier leur confort digestif sur une échelle de 0 à 10. Les symptômes analysés étaient le confort intestinal, les symptômes digestifs hauts (brûlures gastriques, douleurs gastriques, nausées, vomissements…), les symptômes digestifs bas (flatulences, besoin impérieux d'aller à la selle, douleur abdominale basse), la tolérance digestive des glucides (intérêt pour la nourriture, appréciation de la saveur).

Lors de ce test préliminaire les 18 coureurs s'étaient plaints d'un moins un trouble digestif et 67% s'étaient plaints d'un trouble digestif sévère (dépassant 5 sur l'échelle de cogitation). D'ailleurs 67% de sportifs présentaient une malabsorption des glucides mesurée grâce au breath test.

Après ce premier test les coureurs étaient repartis en deux groupes. Un groupe s'entraînait à 60% de VO2max dix fois une heure en deux semaines en ingérant systématiquement 30 g de glucides au début de course puis toutes les 20 min (soit à nouveau 90 g/h). Le deuxième groupe suivait le même protocole mais accompagnait les efforts d'un placébo. A noter que les participants étaient libres d'ajouter leurs séances habituelles à ce protocole et ajoutaient en moyenne 319 mn d'entraînement par semaine.

A la fin des deux semaines, un test était à nouveau réalisé : deux heures à 60 % sur tapis suivies d'une heure courue le plus rapidement possible avec questionnaires sur le système digestif.

Lors des tests avant et après entraînement digestif ni le niveau d'effort perçu (RPE) ni les paramètres physiologiques (fréquence cardiaque) ne différaient d'un groupe à l'autre. Toutefois, la distance parcourue lors de la dernière heure du test, celle courue le plus vite possible, était majorée dans le groupes ayant entraîné son tube digestif passant de 11.7 km à 12.3 km (vs 11.7 km à 11.5 km pour le groupe contrôle).

Les sportifs habitués à s'entraîner et à concourir avec des glucides présentaient, durant le test, moins de troubles digestifs hauts et de nausées que les sportifs qui n'y étaient pas habitués. La fréquence des troubles digestifs bas n’était pas influencée par l'habitude à ingérer des glucides à l'effort.

L'entraînement digestif de deux semaines a permis de réduire les troubles digestifs comparativement au groupe contrôle. Et les sportifs au passé entaché de troubles digestifs voyaient leur confort digestif particulièrement amélioré.

Cependant la tolérance (intérêt pour la nourriture, appréciation de la saveur) n'était pas améliorée par l'entraînement digestif.

L'entraînement digestif permettait, aussi, de réduire la malabsorption intestinale des glucides et confirmait une relation étroite entre le degré de malabsorption et les troubles digestifs.

En conclusion

Cette étude suggère donc que l'on peut améliorer le confort digestif en s'entraînant avec de grosses quantités de glucides. Cela est particulièrement judicieux pour ceux d'entre nous habitués à ce genre de désagréments. Cela irait de paire avec une meilleure assimilation des glucides durant l'effort.

Moins de troubles digestifs et plus de glucides assimilés devraient assurément permettre d'améliorer les performances comme c'est le cas dans cette étude.

Pensez donc à emmener régulièrement de grandes quantités de glucides (boisson de l'effort, gels, fruits...) et à les manger même si ce ne doit pas être systématique.

Bon entraînement…digestif !

 

(1) Jeukendrup AE. Training the Gut for Athletes. Sports Med. 2017 Mar;47(Suppl 1):101-110.

(2) Miall A, Khoo A, Rauch C, Snipe R, Camões-Costa V, Gibson PR, Costa RJS.Two weeks of repetitive gut-challenge reduces exercise associated gastrointestinal symptoms and malabsorption. Scand J Med Sci Sports. 2017 May 16.

 

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à propos de l'auteur

Le Dr Fabrice Kuhn est médecin généraliste, diplômé en biologie et médecine du sport. Il est médecin des équipes de France d'haltérophilie. Il pratique le triathlon ironman, le marathon et l'ultratrail.

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