Le blog de Thierry Souccar, "Amuse-gueules"

Réflexions sur la vie, la mort, et tout ce qu'il y a au milieu. 

Par Thierry Souccar
Maladies de civilisation

Allons-nous tous nous mettre au jeûne intermittent ?

Allons-nous tous nous mettre au jeûne intermittent ?

Surpoids, obésité, diabète, prévention du vieillissement… les promesses du jeûne semblent innombrables. Le public est séduit. Reste à confirmer par des études.

Alors que nous avons l’habitude de faire trois repas par jour, l'idée d’en sauter un, voire deux, peut sembler incongrue, mais elle séduit un public de plus en plus large. Les célébrités ne sont pas en reste : Beyoncé, les acteurs Hugh Jackman, Ben Affleck, Liv Tyler ou le présentateur de TV Jimmy Kimmel sont des adeptes du jeûne intermittent. L’engouement actuel pour cette pratique se lit dans le succès rencontré par les deux livres que nous avons publiés : Le Fasting, de JB Rives, et Le guide complet du jeûne, du Dr Jason Fung et Jimmy Moore.

Le jeûne n’est pourtant pas une pratique récente. Il était involontairement pratiqué par nos ancêtres préhistoriques, qui, sans souffrir de famine ne mangeaient pas tous les jours, pas plus qu’ils ne faisaient 3 repas quotidiens, si l’on en croit les observations faites auprès des chasseurs-cueilleurs des temps modernes. En conséquence, nous avons évolué avec un foie et des muscles capables de stocker les glucides rapidement accessibles sous la forme de glycogène, et un tissu adipeux conçu pour garder des réserves d'énergie prêtes à prendre le relais quand la nourriture n'est pas disponible.

16-8, 18-6 ou 5-2 ?

Il existe plusieurs types de jeûne intermittent. Le plus répandu est le 16-8 : seize heures sans s’alimenter, et une fenêtre de huit heures pour le faire. Mais il y a des variantes comme le 18-6. C’est le rythme suivi par le Dr Mark Mattson (Instituts nationaux du vieillissement ou NIA, Baltimore).

J’ai rendu visite à plusieurs reprises à Mark Mattson entre 1995 et 2005, et il m’avait détaillé sa pratique, très minoritaire à l’époque : pas de petit déjeuner, et souvent même pas de déjeuner, de l’exercice quand il le peut dans l’après-midi (ce qui revient à la forme d’entraînement à glycogène bas décrite par Fabrice Kuhn dans Ultra-performance), puis le repas. Mark Mattson prend ses 2000 calories quotidiennes dans une fenêtre de six heures qui commence en milieu ou fin d’après-midi et se termine en soirée.

Une autre forme de jeûne intermittent est le 5-2 : 5 jours d’alimentation normale à 3 repas par jour, et 2 jours de jeûne, ou plutôt d’alimentation hypocalorique, puisqu’on peut consommer 500 calories (kcal) par jour.

Insuline, facteurs de croissance et cétones

Ces dernières années la science a mis en évidence les bénéfices potentiels du jeûne intermittent. Valter Longo (Université de Californie du Sud) a mené de nombreuses études chez l’animal et chez l’homme. Le jeûne réduit les facteurs de risque de diabète, maladies cardiovasculaires dont l’accident vasculaire cérébral, maladies neurodégénératives, cancer et maladies cardiaques. Dans sa clinique de Toronto (Canada), le Dr Jason Fung obtient des résultats remarquables chez ses patients diabétiques et en surpoids.

Le jeûne abaisse le niveau d’insuline et des facteurs de croissance qui lui sont liés comme l’IGF-1 et mTORC-1 ; or tout ce qui freine les voies de l’insuline ralentit le vieillissement. Le jeûne génère aussi des corps cétoniques, comme le fait le régime cétogène. On explore actuellement les effets potentiels des cétones sur le cerveau et les maladies métaboliques.

Des études ont montré que le jeûne a des résultats prometteurs sur le poids, la glycémie, le niveau des triglycérides, l’inflammation, la pression artérielle, le diabète de type-2. Par rapport à un régime hypocalorique, le jeûne intermittent peut conduire à une perte de poids plus marquée, sans que la masse musculaire soit affectée.

Malheureusement, les données scientifiques sont encore trop peu nombreuses pour pouvoir affirmer que le jeûne intermittent est la solution aux maladies de civilisation. Mais des études sont en cours et nous devrions savoir bientôt.

Contre-indications

Si vous souhaitez tester le jeûne intermittent, sachez qu’il y a des contre-indications : enfants, personnes souffrant de troubles du comportement alimentaire, les femmes enceintes et allaitantes, diabétiques de type-1. Dans le diabète de type-2, un suivi médical est recommandé. Certans patients atteintes de cancer choisissent de jeûner : la pratique doit être discutée avec l’équipe médicale, car l’un des principaux inconvénients est une baisse transitoire de l’immunité dans les premiers stades du jeûne.

On peut jeûner régulièrement, voire quotidiennement, comme le fait Mark Mattson, ou épisodiquement comme le fait Jason Fung (après un écart, dit-il). De mon côté, j’ai opté en 2017 pour un jeûne hebdomadaire 18-6.

Me vient, au moment où j’écris ces lignes sur le jeûne, le souvenir d’une après-midi de 1998 dans le bureau de Mark Mattson à Johns Hopkins avec Donald Ingram, George Roth et un de leurs doctorants des NIA. La discussion portait naturellement sur… le vieillissement et les moyens de le prévenir. Le Dr Mattson défendait le jeûne intermittent, le Dr Ingram, qui suivait à Baltimore une grande étude de restriction calorique sur les singes rhésus fondait, avec George Roth des espoirs dans des molécules mimétiques de la restriction calorique comme le déoxyglucose (qui s’est révélé impropre à la consommation). Quant à moi qui venais de publier au Seuil une somme sur les vitamines, j’espérais que les antioxydants que je prenais (et que m’avait conseillés un soir à San Antonio au Texas le Dr Denham Harman, le père de la théorie radicalaire du vieillissement) feraient le job.

Nous sommes alors passés aux travaux pratiques : un simple test d’élasticité de la peau du dessus de la main, qui consiste à la pincer 5 secondes et compter le temps qu’elle met pour revenir à son état de repos. Le temps que j’ai réalisé ce jour-là n’était pas mauvais, celui de Donald Ingram et de George Roth non plus, mais un peu moins bons que celui de leur doctorant, plus jeune. Mais ce jour-là, Mark Mattson nous a tous battus.

Et je suis presque sûr du résultat si, 20 ans après, nous faisions à nouveau le test.

 

Commentaires

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Par Blue Knight | le mardi 26 juin 2018
Jeûne de 24h

Personnellement, je fais un jeûne du vendredi après le repas de midi jusqu’au samedi soir, où je recommence à manger. Lors des vacances scolaires, je décale un peu : du vendredi soir après le dîner jusqu’au dimanche midi, où je recommence à manger. Je fais cela toutes les semaines de l’année, sauf impossibilité particulière naturellement.

Je ne prends durant cette période de jeûne que de l’eau ou du thé ou une tisane dans la journée et le matin un café gras (i.e. café + huile de coco + un oeuf. Parfois je rajoute dedans une petite pincée de chacune de ces épices : cannelle, gingembre, curcuma et poivre) Rien d’autre, rien du tout.

Donc, ça fait un jeûne de plus de 24h. Est-ce considéré comme un jeûne intermittent et mon choix est-il correct ou bien je me trompe lamentablement en croyant bien faire ? Merci d’avance pour votre réponse.

Je précise que d’une manière générale, même en dehors de ces moments de jeûne, et tous les jours de l’année, je ne prends aucun petit-déjeuner. Je ne prends que les repas du midi et du soir, et un petit quelque chose (genre des oléagineux ou du chocolat ou, occasionnellement, un petit gâteau fait maison paléo strict) avec une boisson (roiboos ou une tisane)

Par Blue Knight | le mardi 26 juin 2018
Correction à mon message précédent

Désolé, je m’aperçois en relisant mon message précédent qu’il manque un mot dans le dernier paragraphe.

Lorsque j’écris :

« Je ne prends que les repas du midi et du soir, et un petit quelque chose (genre des oléagineux ou du chocolat ou, occasionnellement, un petit gâteau fait maison paléo strict) avec une boisson (roiboos ou une tisane) »

le petit quelque chose avec la boisson dont je parle est bien sûr un léger goûter.. :)

Par Mimi-Maki | le samedi 03 novembre 2018
Jeûne chez les chasseurs cueilleurs

Bonjour,
Vous mentionnez au début de cet article le rythme des repas chez les sociétés de chasseurs cueilleurs modernes.
Pouvez vous citer une ou plusieurs études, ou bien même articles qui traitent de la question.
Merci.

à propos de l'auteur

Journaliste scientifique, auteur de 19 livres de vulgarisation sur la santé, fondateur de Thierry Souccar Editions. En charge des questions de santé à Sciences et Avenir pendant 15 ans, il a créé LaNutrition.fr, premier site d’information francophone indépendant sur l’alimentation et la santé. Membre de l'American College of Nutrition/American Nutrition Association depuis 2000. C'est un passionné d'histoire des arts et des sciences, de paléontologie, peinture, aviation légère, littérature, musique. Il vit, écrit et peint dans le midi de la France. Il a deux fils, Paul et Louis. 

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